« Est-ce que ça t’arrive de t’ennuyer ? » Socialisation, émotions et rapport à ses conditions d’existence à l’adolescence

Enquêtes
Par Laure Sève
Français

Plus souvent analysé par les sciences du psychisme, le sentiment d’ennui ressenti par les enfants est peu étudié par les sociologues, en particulier hors du contexte scolaire. Fondé sur une enquête par questionnaire et entretiens réalisée auprès d’adolescent·es en classe de troisième, cet article entend « considérer l’ennui comme un fait social » (Clair, 2011) et rendre compte, en s’inscrivant dans le cadre théorique de la sociologie de la socialisation, de la variabilité du sentiment d’ennui. L’absence d’ennui s’explique – pour les adolescent·es de tous milieux sociaux – par l’acquisition de dispositions à l’occupation de soi, associées à l’insertion dans des réseaux relationnels denses – plutôt familiaux pour les filles, plutôt amicaux pour les garçons – ou à l’encadrement parental des emplois du temps. De plus, la sérénité vis-à-vis du temps vacant est permise pour ces adolescent·es par une réassurance vis-à-vis de l’avenir dans les classes supérieures ou par un accommodement vis-à-vis d’une position sociale dominée dans les classes populaires. L’ennui caractérise alors des adolescent·es isolé·es relationnellement, privé·es du sens conféré aux activités par la présence d’autrui ou bien prisonnièr·es d’un présent dévalorisé par leur expérience d’une domination sociale, et qui n’ont pas intériorisé les dispositions qui leur permettraient de vivre leur présent et leur temps libre sous un mode émotionnel positif.

  • socialisation
  • émotion
  • ennui
  • rapport au temps
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