« Ne pas se laisser faire » : syndicalisme et politisation pratique de fractions basses des classes populaires

Enquêtes
Par Charles Berthonneau
Français

À partir d’une enquête ethnographique au sein de deux unions locales (UL) de la CGT, cet article s’intéresse au syndicalisme dans des secteurs précarisés du marché de l’emploi (grande distribution, Ehpad, sous-traitance industrielle), afin de montrer en quoi cette activité participe à la politisation pratique des classes populaires par l’entretien d’une grille de lecture classiste des rapports sociaux. Nous expliquons les ressorts de cette politisation à partir d’une approche interactionniste reposant sur l’étude de la rencontre entre, d’une part, l’expérience des rapports de domination au travail qui a nourri chez des salariés un sentiment d’injustice et de défiance envers leur employeur et, d’autre part, l’activité de cadrage menée par les militants des UL chargés de les former syndicalement. Le but de cet article est alors de montrer comment les idéologies militantes en milieu populaire ne se déclinent pas tant dans des discours explicitement politiques, mais dans des styles et des principes moraux qui revêtent un caractère pratique, en ce qu’ils se voient directement mobilisables pour se défendre au travail. Ces principes pourraient être ici résumés en ces termes : on ne peut pas faire confiance a priori aux « patrons », seul le rapport de forces permet d’obtenir satisfaction face à eux. Ils renvoient à une éthique et un sens pratique de la résistance au quotidien face à l’employeur, que salariés et militants des UL traduisent par l’expression : « ne pas se laisser faire ».

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  • socialisation militante
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  • précarité
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